Retour sur la vie de… Simone Veil
[dropcap]A[/dropcap]ujourd’hui, je commence une nouvelle série sur les grandes personnalités. Et vu les circonstances, il me semblait normal de commencer par Simone Veil, décédée le 30 juin dernier à l’aube de ses 90 ans.
Je ne compte pas faire un article journalistique et une biographie pure, comme ce que l’on peut trouver partout ailleurs sur internet. Mais plutôt un article racontant bien évidemment l’histoire de cette grande dame, ponctuée principalement par mes ressentis personnels. Et, il en sera de même pour tous les autres articles de la série…
Ainsi, découvrons aujourd’hui, à travers mes jeunes yeux parisiens, la vie de Simone Veil.
1 | Sa déportation
On marque toujours dans un premier temps la vie de Simone Veil le jour de sa déportation. Et c’est le point que les journalistes TV passent leur temps à nous raconter, à croire que toute sa vie se résume à cela. C’est une partie horrible et marquante dans la vie de cette grande dame, mais ce n’est pas la seule chose à retenir. Elle est arrêtée par la Gestapo dans une ruelle de Nice alors qu’elle venait d’avoir son bac qu’elle était partie fêter, en 1943.
Simone Veil, Jacob lors de sa déportation, racontait que contrairement aux autres femmes déportées, elle n’a pas eu le crâne rasé. Il en est de même pour sa soeurs et sa mère, Madeleine et Yvonne. Elle expliquait dans une interview que la raison était simple: elles étaient toutes très belles, et un caporal nazi les a prises en sympathie. C’est une des raisons pour lesquelles elles ont été transférées à Auschwitz-Birkenau, et qu’elles n’ont pas subi le sort fatal réservé aux juifs.
Elle reste une des rescapés des camps de la mort. Son père et son frère ont été pour leur part exécutés, et sa mère mourra d’épuisement juste avant la libération des camps.
Il faut noter que la vie publique de Simone Veil ne fut rendue publique que lors des débats houleux sur l’IVG en 1975. Et c’est une chose que j’ai toujours trouvée admirable chez elle: elle n’a jamais joué la corde de la sensibilité et de l’apitoiement pour devenir une grande dame. Elle a dénoncé, décrié, elle s’est souvenu mais n’a jamais utilisé son passé comme un moyen de pression et un argument. Rien que pour cela, elle mérite son titre de grande dame, et lui tirer notre chapeau.
2 | Son retour sur les bancs de l’école
En 1945, à son retour en France, elle retourne à ses études. Comme elle le disait si bien « j’avais à la fois une boulimie d’études et besoin de m’occuper ». C’est pourquoi elle entame des études de droits à la faculté de Paris et de sciences politiques à l’institut d’études politiques de Paris. Malgré son engouement et son attachement à ses études, elle rencontre Antoine Veil sur les bancs de l’école, futur inspecteur des finances et chef d’entreprises. Ils se marièrent en 1946, et Simone Veil l’accompagna partout dans ses déplacements. Elle mit sa carrière entre-parenthèses le temps d’élever ses trois enfants, trois garçons: Jean, Claude-Nicolas et Pierre-François.
Ils vécurent en Allemagne, notamment à Stuttgart, ce que beaucoup de ses proches trouvèrent surprenant. Mais voulant rester en famille et avec son mari, elle l’accompagne partout où il doit s’installer pour travailler.
Avec sa licence de droit, elle renonce à l’idée de faire avocate et se lance dans une carrière plutôt juridique. Elle passe avec succès le concours en 1956 de magistrature. Elle occupe alors un haut poste dans la juridiction pénitentiaire, puis passe aux affaires civiles en 1964. Membre du Syndicat de la magistrature, elle devient en 1970 la première femme secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature.
3 | Simone Veil, Ministre de la Santé
Elle prend part à la vie politique en 1971 en s’opposant à la diffusion à la radio d’un documentaire sur l’Occupation, qu’elle juge injuste et partisan.
Suite à cela, elle soutient Jean-Jacques Chaban-Delmas lors des élections présidentielles anticipées suite à la mort de Pompidou. À son élection, Valéry Giscard d’Estaing la prend sous son aile, trouvant son intelligence remarquable et son esprit très rapide et pragmatique. C’est pourquoi il souhaite lui donner un poste de ministre dans le gouvernement de Chirac. C’est ainsi qu’elle devient ministre de la Santé, poste qu’elle conservera sous le gouvernement de Raymond Barre.
Son passage dans le gouvernement sera surtout marqué par son combat pour la libération des femmes, et notamment avec la mise en place du droit à l’IVG. Autrefois, les femmes étaient obligées de garder l’enfant qu’elle portait, qu’elle en veuille ou non. Pire encore, elles pouvaient être internées ou mises dans un couvent si leur père ou leur mari le décidait, bien sûr sans pouvoir se défendre et face à des arguments plus que bancals.
Certaines femmes se faisaient avorter en secret. Pour cela, elles faisaient appel à des « faiseuses d’anges », qui agissaient sans anesthésie de façon barbare. Cela ressemblait plus à de la boucherie, en mettant dangereusement en péril sa vie. Mais une femme fille-mère n’avait aucun droit, et était considérée comme une traînée, donc beaucoup d’entre elles prenaient ce risque… Simone Veil, en bataillant durement à l’assemblée face à une grande majorité d’homme, permit à la femme de pouvoir décider de son destin et de pouvoir choisir la vie qu’elle souhaite sans risque.
Je préfère tout de même rappeler au passage que la loi Simone Veil s’applique plus particulièrement aux cas d’urgence. En aucun cas un avortement remplace la contraception. Mais lorsque qu’une femme est enceinte et qu’elle ne veut pas d’enfant pour l’instant, cette loi représente une avancée majeure dans la libération de la femme.
Après son passage dans l’Europe, elle redevient ministre des Affaires Sociales, de la Santé et de la Ville en 1993, sous le gouvernement Balladur, puis membre du conseil constitutionnel, et de la haute juridiction jusqu’en 2007.
4 | Son passage marquant dans l’Europe
À la demande de Giscard, elle conduit la liste UDF aux élections européennes de 1979, les premières au suffrage universel. C’est à cet instant qu’elle se retrouve dans un débat sur un plateau de télévision face à 4 autres hommes, dont François Mitterrand. Elle leur tient tête et fait preuve d’une répartie exemplaire, arguments à la clef. Et c’est pourquoi, en plus d’être personnalité préférée des français, elle est élue à la majorité au suffrage universel, et quitte ainsi le gouvernement.
Devenue député européen, elle poursuit sa carrière. Soutenue par Helmut Kohl et Valéry Giscard d’Estaing, elle est élue au Parlement Européen comme Président du Parlement, au troisième tour. Une femme occupe alors un poste important à l’échelle européenne pour la première fois depuis le droit de vote de la femme en 1946. En 1982, elle se retire et ne retente pas les élections au parlement. Avec Jacques Chirac, elle conduit une liste de droite libérale au Parlement, qui obtient la majorité des voix en 1984. Elle conduit une liste centriste aux élections en 1989, qui obtient seulement 7 sièges au Parlement.
5 | Sa vie après la politique
Après 2007, elle se retire progressivement du monde politique. De 2001 à 2007, elle préside la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Elle deviendra par la suite présidente d’honneur. Par ailleurs, elle s’oppose enà l’idée de confier la mémoire d’un enfant juif de France mort dans la Shoah à chaque élève de CM2. Elle soutient alors que « C’est inimaginable, insoutenable, dramatique et, surtout, injuste ». Encore une preuve qu’elle n’a jamais voulu impacter le futur de son passé douloureux, commun à tous les déportés. Elle retournera à Auschwitz en 2004, avec sa famille au grand complet, pour commémorer la libération des camps.
Elle soutiendra Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle de 2007, sorti de son droit de réserve dû au conseil constitutionnel, en affirmant que « Nicolas est gentil. Il peut être brutal dans son expression, mais les gens ont tort de douter de son humanité. C’est un ami fidèle. Pour moi, c’est important. Quand on choisit un président, on a envie de quelqu’un qui ait ces qualités-là. Ce n’est pas toujours le cas ».
Elle se présente au côté de Jean-Louis Borlo en 2012 lors de la création de l’UDI, centriste comme jamais.
Enfin, elle est devenue « Immortelle » en étant acceptée à l’Académie Française, après une élection en sa faveur en 2009. Elle occupe alors le fauteuil n°13, celui de Jean Racine. Elle est accueillie par Jean d’Ormesson, entourée de sa famille au grand complet, ses amis, et de trois présidents de la République: Valéry Giscard d’Estaing (académicien), Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy (protecteur de l’Académie). Sur son épée d’Immortelle, elle fait graver la devise de la République Française, de l’Europe, ainsi que son numéro de matricule dans les camps (78 651).
À la mort de sa soeur et de son mari en 2013, Simone Veil se retire de la vie publique. Les dernières informations que nous ayons eu furent son hospitalisation en août 2016 pour des troubles respiratoires, et enfin son décès le 30 juin dernier, à l’aube de ses 90 ans.
Cette courte biographie est en quelque sorte un hommage envers Simone Veil, ses combats, son humilité et son intelligence remarquable. Mais aussi à toutes les femmes, qui ont pris leur vie en main grâce à ses actions.
Le fait qu’elle soit panthéonisée est de bonne augure. Mais qu’elle soit enterrée avec son mari est important aussi, surtout pour sa famille.
Merci Madame Veil, pour tout. Je vous propose de finir cet article sur une citation:
« Ma revendication en tant que femme c’est que ma différence soit prise en compte, que je ne sois pas contrainte de m’adapter au modèle masculin. » S. Veil
Merci à vous de nous lire. Envie d’être au courant de tous les nouveaux articles ? Rendez-vous sur la page Facebook et le compte Instagram de MonsieurMada.me 😉
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Claudia Lully – @lesvolutesdeclaudia
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