Un Garçon Stupide : « mon objectif est d’aider les jeunes « Franck » d’aujourd’hui »
Un Garçon Stupide : entre rétrospection et ambition
L’influenceur make-up Un Garçon Stupide de son vrai nom Franck, revient sur son parcours, ses difficultés et ses inspirations dans un entretien exclusif.
- Peux-tu nous décrire ton parcours ?
Mon parcours est assez compliqué, je suis né en Corse du Sud à Ajaccio. J’ai passé la plupart de mon enfance en Corse, ce n’est pas facile d’évoluer en Corse avec des mentalités si fermées. Après, je suis allé dans mon collège, où je me suis fait malheureusement harcelé, on m’a bien tabassé en sixième, j’avais 12 ans. Et là, je comprenais un peu qui je devenais, on me reprochait mon homosexualité à ce moment-là, mais sans vraiment savoir pourquoi. Je ne connaissais pas ce que c’était d’être gay, je ne savais pas qu’un homme pouvait aimer un homme, j’avais 12 ans. J’ai appris l’homosexualité sous les coups, c’est un peu dommage, mais c’est la vie. Ensuite, je suis arrivé à Nice, mes parents disaient de « redémarrer notre vie », et on a décidé de s’installer à Valbonne, c’est une petite ville au-dessus de Nice. Et là, mon harcèlement a repris, mais je savais que j’étais, je savais qui j’aimais, donc j’arrivais plus à me défendre. En plus, je venais de me faire frapper avant, donc on apprend, on guérit de ce qu’on vit.
Au fur et à mesure du temps, je suis allé au lycée, j’ai découvert mon premier copain, je me suis épanoui, je me suis décoloré les cheveux, j’ai commencé à m’accepter, à faire ce que je voulais de mon corps et à en assumer les choix, et les conséquences derrière. Ensuite, j’ai fait une école de commerce, et je suis tombé sur les réseaux sociaux, avec pour objectif d’aider les jeunes « Franck » d’aujourd’hui. Le harcèlement continue tous les jours, ça ne s’arrêtera jamais. Malheureusement, on trouve des vaccins pour le Covid, mais il n’y a pas de vaccin contre le harcèlement. C’est pour ça qu’il faut qu’il y ait des influenceurs ou des personnalités publiques, qui parlent ouvertement d’un sujet. Moi, je suis aujourd’hui plus branché sur le maquillage pour montrer qu’on peut se maquiller et être un homme, porter du vernis et être un homme, on peut aimer les couleurs un peu plus fantaisistes et être un homme.
- On voit de plus en plus d’influenceurs homme make-up, qu’est-ce que tu en penses ?
Je pense que c’est mieux en mieux de plus de garçons se maquiller et grâce à TikTok. Il faut les féliciter d’avoir laissé l’opportunité d’avoir créé les « Pour toi », comme ça quand un garçon veut se maquiller, il le fait, il est exposé et tout le monde le voit. Il y a tellement de garçons qui se maquillent sur TikTok, et j’en suis sûr que ça motive d’autres personnes à se maquiller. Je pense que l’inspiration vient des États-Unis, des garçons comme James Charles, Jeffree Star, sur YouTube. Il y avait Richard aussi, il a apporté ça en France, Fabian a encore plus donné de force à ça.
Mais aujourd’hui, quand tu vas dans des événements make-up ou des endroits où on parle make-up, comme KVD Beauty (Kat Von D), Sephora, 90 % sont des filles. Parce que les marques aiment ça pour leur image, mais elles s’en méfient aussi, parce qu’elles ne savent pas. Très souvent, on m’a mis de côté, les marques trouvaient que la manière dont je me maquillais trop engagé, trop politique. Au début, je n’étais pas l’influenceur qui parlait de make-up pour sa qualité, je me maquillais pour montrer aux gens, aux garçons, que tu peux te maquiller. Je faisais beaucoup d’arcs-en-ciel sur mes yeux, pour montrer justement cette beauté-là et ça a beaucoup dérangé, je l’ai ressenti. Je le ressens encore aujourd’hui parce que j’ai beaucoup changé mon contenu, je me suis adapté aussi parce que j’aime ce que je fais, j’aime le make-up. Mais c’est vrai qu’il a encore ce problème d’ « homme maquillé » et politisé, alors que j’adore me maquiller, il n’y a rien de politique. J’aime le fond de teint, j’aime le blush, j’aime toute cette combinaison et ça n’a rien avoir avec la politique.
- Tu préfères Instagram ou TikTok ?
Pour moi, c’est totalement TikTok, parce que ça a laissé la place aux jeunes qui n’avaient pas de voix pour parler. Sur YouTube, il y avait des trônes, on avait Sundy Jules, Sulivan Gwed, on a des gens qui avaient leur place, ils l’ont mérité, mais c’était toujours les mêmes visages. Aujourd’hui, TikTok nous a apporté plein de nouveaux visages, plein de personnalités. On arrive à trouver de l’humour, du make-up, de la cuisine, pour tout et tout le monde, et je trouve ça beau. C’est un format court, et aujourd’hui, on cherche de plus en plus court et moi, j’aime faire du court comme du long.
- Comment vois-tu l’avenir de l’influence ?
J’espère qu’il sera beaucoup plus posé, respecté, réglementé, parce qu’aujourd’hui on fait tout et n’importe quoi sur les réseaux sociaux, les créateurs et les utilisateurs font tout et n’importe quoi. J’espère que ce sera plus respecté, car par exemple, en ce moment, je galère avec ma création de société, car il n’y a pas de statut d’influenceur, il y a un statut de youtubeur. Être « influenceur », ce n’est pas respecté, alors qu’on gagne beaucoup d’argent et à partir du moment où tu gagnes de l’argent, tu mérites quand même un statut juridique auprès de la loi, mais ça n’existe pas. J’espère ça sera beaucoup plus glorieux qu’aujourd’hui, avec moins de scandale, comme on peut entendre tous les jours.
- Si tu devais choisir une marque de maquillage, quelle marque choisirais-tu ?
Si je devais choisir une marque de make-up, dont je suis totalement fan, ce serait Nyx. Depuis le début, quand j’ai créé mes réseaux sociaux, c’est les premiers à m’avoir fait confiance et c’est le cas encore aujourd’hui. Il y a trois semaines, on est partis à Las Vegas ensemble et on a vécu un séjour incroyable. C’est une marque qui est engagé et qui n’a pas peur de parler des sujets tels que l’homophobie, et tous les problèmes qu’il y a autour de la communauté LGBTQA+, qui est opprimée, et souvent exclue. Aujourd’hui une marque qui en parle ouvertement, il n’y en a pas beaucoup et je trouve ça super beau.
- Quel était ton rapport au maquillage ?
Au début, quand j’ai découvert que les hommes se maquillaient, je l’ai découvert sur mon ex petit copain, il se faisait les sourcils, le teint, il mettait de l’highlighter. Je ne comprenais pas pourquoi, et je lui disais « mais pourquoi tu te maquilles ? », « À quoi ça sert ? ». En plus, je le jugeais, parce qu’il se faisait des sourcils extrêmement épais. Et un jour, je prends l’avion pour aller le voir, je voyais qu’il était heureux de se maquiller. Donc, je lui achète une petite palette Nars, il était si heureux à ce moment-là. C’est à partir de ce moment-là que je me suis beaucoup plus ouvert d’esprit de « l’homme qui se maquille ». Et pendant le confinement, ça a été une révélation, je suis beaucoup maquillé, et j’ai eu une passion folle pour le maquillage.
- Comment ton entourage a réagi au fait que tu te maquilles ?
Mon père a eu du mal, il a encore du mal aujourd’hui, parce qu’il a peur du regard des autres. Il se disait : « qu’est-ce qu’ils vont dire sur son fils ? », « qu’est-ce qu’il va se passer pour son fils, s’il sort maquillé ? ». Au moment où je vous parle, je suis maquillée, j’ai pris le métro pour venir jusqu’ici, ça a été un parcours du combattant et il a peur de ce parcours-là. Pareil pour ma mère, qui est encore plus « maman poule », qui a peur de tout ça. Mais elle respecte le fait que ça plaise à son fils. Elle est si heureuse de me voir me maquiller sur les réseaux sociaux, donc j’en suis sûr qu’elle est heureuse de me savoir maquiller à l’heure actuelle.
- Quelles sont tes inspirations sur les réseaux sociaux ?
Mon inspiration dans le maquillage, quand je me suis lancé sur les réseaux, c’est un garçon qui s’appelle Ethan Peter, et qui habite aux États-Unis. Il faisait des make-ups incroyables, avec une inspiration et toujours un message derrière ses make-ups. Ethan Peter se maquillait pour la beauté de la chose, mais toujours pour envoyer un message. Il y avait même un make-up où il avait plein de seringues sur toute la tête. Le message était par rapport à la drogue, qui est présente partout et qui tue les gens et qu’il l’a lui-même tué, parce qu’il est mort d’une overdose. On pense à un suicide à cause de la pression des réseaux sociaux, parce que ça l’a emporté dans la drogue. Un monde un peu noir, dans lequel il est tombé. Ça reflète un peu le monde des réseaux sociaux aujourd’hui et le monde de l’influence. On rentre dans quelque chose de merveilleux, mais il ne faut pas que ça devienne un cauchemar.
- On voit l’émergence du « drag » en France, qu’en penses-tu ?
Après le confinement, quand j’ai découvert que je me maquillais, le drag m’a beaucoup aidé, pour encore plus assumer qui j’étais et accepter le fait que je suis un garçon et je maquille. Le drag, c’est de l’art, et les drags l’incarnent parfaitement, puisque j’étais assistant drag pour une drag-queen Tatiana Clarkson à Nice, et également de Milena B Rose. Je l’ai accompagné, je leur donnais leurs tenues à strasses, leur make-up quand elles avaient besoin. Et ça me plaisait ce monde des paillettes, ce monde du make-up, j’étais inspiré et elles m’inspiraient. Au-delà de chanter, danser, elles sont tout ce qu’une catégorie de personnes peut mépriser, et elles s’en fichent. Bien au contraire, elles sont encore plus exubérantes, quand on vient les embêter. Justement, je suis super content qu’aujourd’hui, Drag Race France puisse mettre en avant l’art du drag pour une catégorie de personnes qui n’ont pas l’habitude de voir du drag, ou qui se disent que c’est juste pour aller faire un dîner-spectacle. Le drag, c’est un art, ça représente une communauté, un message fort, et aujourd’hui toutes les drag-queen de Drag Race France et du monde entier l’incarnent parfaitement.
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